Dans cet article je vais vous présenter les techniques et la construction d’une table de style « Live edge » comme disent les anglophones. Ici, nous allons conserver cette esthétique, en d’autres termes je vais garder les bords bruts de gros plateau de bois. Cependant, on ne va pas inclure de l’époxy au milieu, mais du mohabi.
Le bois : Deux plateaux de camphrier et au milieu du mohabi. L’intérêt du mohabi est double. Il va apporter du contraste et il est relativement neutre, car très peu de veinage.
Dans cet article sur la construction de cette table, 5 techniques vous seront présentées :
- Dégauchir à la défonceuse un énorme plateau
- L’utilisation de bagues à copier pour du fraisage d’inclusion
- Les assemblages à queue d’aronde rigide, mais mobile
- Teinter du bois en noir par ébonisation
- Assemblage par enfourchement multiple des pieds
Première technique : Dégauchir à la défonceuse un énorme plateau
Le problème avec ces pièces de bois très volumineuses est qu’elles ne passent pas dans la raboteuse. Il est donc important de connaître une technique qui permet de dégauchir à la défonceuse. Ce travail est parfois long, voire fastidieux si vous le faites avec une simple fraise droite. Je vous propose ici d’essayer une fraise à surfacer de grand diamètre avec des plaquettes carbures réversibles. Pour cela, il faudra créer un montage usinage simple.
Pour dégauchir à la défonceuse, la plupart du temps vous allez trouver des traîneaux qui font juste la largeur entre les deux règles, avec une rainure à l’intérieur. Avec cette rainure, le traîneau sera moins rigide ce qui donnera un résultat moins optimal.
Ici le traîneau est 2 fois plus large, avec un trou au milieu. La défonceuse est placée et immobilisée par une bague à copier qui correspond au diamètre du trou.
La fraise : Fraise à surfacer (petite fraise à plaquettes carbure réversibles). Ce sont de grosses fraises à faire tourner doucement.
C’est parti pour des déplacements aller-retour du montage sur toute la surface.
C’est une méthode qui fonctionne, mais qui n’est pas utile à chaque fois. Dans quel cas, l’est-elle ?
- Mon plateau est trop large pour passer dans la dégauchisseuse ou la raboteuse .
- Je n’ai pas de dégau ou de raboteuse.
- Lorsqu’on veut par exemple faire une planche à découper avec du bois de bout. On ne passe pas le bois de bout à la dégau ou à la raboteuse car c’est extrêmement dangereux et il y a un risque d’éclatement du bois.
Retrouvez la vidéo complète sur cette technique ici :
Deuxième technique : Utilisation des bagues à copier pour du fraisage d’inclusion
La technique du fraisage d’inclusion à la défonceuse nous permet d’inclure une bande de bois sombre à la manière des « River tables », sans utiliser de résine, ce qui est une hérésie lorsque l’on voit les magnifiques plateaux qui se retrouvent noyés dans une gangue de plastique.
Présentation de la technique : Nous allons utiliser plusieurs fraises et bagues à copier. Un couple grande bague grande fraise et un autre petite bague, petite fraise. Cela va créer le même décalage et permettra d’obtenir une empreinte mâle et une empreinte femelle.
Voici une petite vidéo complémentaire sur la théorie du fraisage d’inclusion :
1 – Préparation du gabarit
Placez les planches pour le gabarit sous les plateaux, puis tracer les formes de ce dernier.
Ensuite, découpez en suivant le tracé.
2 – Usinage de partie extérieure
Pour la feuillure: Utilisez une bague de 40mm et une fraise de 16mm, ce qui donne un décalage de 12mm. Le décalage est plus fort d’un côté que de l’autre, car les bois partent dans une certaine direction (cf. photo et direction des mains).
Immobilisation des gabarits avec des vis aux extrémités, puis usinage.
3 – Usinage de la partie centrale
On place le gabarit sur la partie centrale en mohabi et on le fixe à l’aide de vis.
C’est parti pour l’usinage.
On enlève le côté droit découpé puis on recommence du côté gauche. Pour finir, on repasse sur les bords pour un meilleur résultat.
On commence la mise à longueur et on fini avec l’essayage de l’emboitement.
Retrouvez l’ensemble de la vidéo ici :
Troisième technique : Assemblage à queue d’aronde rigide, mais mobile
La défonceuse va nous permettre de faire un assemblage par queue d’aronde coulissante. Il est à la fois rigide et mobile ce qui est parfait pour respecter les mouvements du bois. De grosses traverses rigides vont venir lier les différents éléments du plateau que nous avons réalisé.
1 – Réalisation des débits et traverses en amont
N’ayant pas tout à fait les épaisseurs, les longueurs, la quantité voulue et n’aimant pas gaspiller, j’ai décidé de travailler par pièces contre collées pour obtenir les épaisseurs voulues. Pendant que la colle sèche je passe aux dominos.
2 – Renforcement de l’assemblage avec les dominos
Pour que ce soit parfaitement aligné au fond de la feuillure, nous allons prendre comme référence, le dessous de cette incrustation et le fond de la feuillure. Je positionne les dominos là où je souhaite les mettre, puis je trace un trait pour marquer leur position. Les dominos ne vont pas tous être parallèles.
Usinage des mortaises puis mise en place des dominos.
Il ne manque plus que l’assemblage de toutes les parties.
3 – Défonçage logements traverses
Il va falloir défoncer les logements qui vont recevoir les trois traverses. Celles des extrémités sont plus épaisses, car elles vont accueillir le piètement. Je vais procéder à l’usinage en deux temps :
- Une bague à copier de 30mm et une fraise droite de 19mm. Je vais nettoyer mon logement.
- Puis, je vais sortir ma fraise à queue d’aronde de 19mm, avec une bague à copier plus de 24mm.
- Une fois les trois logements faits, j’ajusterai les 3 traverses de manière précise afin qu’elles puissent coulisser et respecter les mouvements du bois.
Usinage des traverses.
L’étape d’après est la mise à longueur des traverses.
Les finitions.
On se lance dans l’assemblage à blanc.
Pour les traverses qui ont un jeu, j’ai un moyen très simple de gérer l’alignement en collant d’un côté. Je ne vais pas contraindre l’ensemble de la longueur du plateau. En collant 20cm d’un côté (celui le plus large qui est presque un bois de quartier donc plus stable), pour que le jeu soit au maximum. Coller 20cm du bois dans un sens et du bois dans un autre, c’est acceptable surtout avec cette épaisseur.
Retrouvez plus détails dans la vidéo :
Quatrième technique: Teinter du bois en noir par ébonisation
J’ai décidé de faire une ébonisation pour la partie centrale. C’est un procédé que je n’ai encore jamais réalisé. On prend du vinaigre (ici vinaigre ménager 14%), on y met du fer (ici j’ai pris de la paille de fer, car c’est ce qui va se faire oxyder le plus rapidement possible par l’acidité du vinaigre). Cette solution va réagir avec les tanins présents dans le bois. Pour le chêne, l’ébonisation va très bien marcher et le bois va devenir très sombre. Pour les bois qui ne sont pas du tout taniques, il est possible d’ajouter une décoction de thé pour y ajouter des tanins.
Finition du plateau avant l’ébonisation : On commence par le ponçage du plateau puis la mise en longueur du plateau.
On répare les défauts esthétiques du bois pour un rendu plus joli. On nettoie, puis on colmate avec un enduit noir.
Par la suite, je souhaite que l’épaisseur du mohabi aux extrémités soit la même que le camphrier. J’usine alors l’extrémité du plateau afin de pouvoir accueillir l’épaisseur en plus de l’extrémité de la partie centrale.
Enfin, je colle une épaisseur supplémentaire pour la partie centrale et usinage de cette dernière.
Il est temps d’appliquer la solution vinaigre + fer sur mon bois, en y mettant une bonne couche, car le bois a été poncé. Une fois la teinte de la première couche obtenue, il faut égrainer la zone. J’applique par la suite une seconde couche.
Nous pouvons terminer de réparer les parties abîmées du bois en ponçant l’enduit posé précédemment et en réalisant les dernières finitions.
Cinquième technique : Assemblage par enfourchement multiple des pieds
Je commence par le dégauchissage suivi d’un rabotage sur l’ensemble des pièces qui serviront pour faire les pieds.
Je m’appuie sur mon plan pour ajuster les longueurs sur deux pièces qui serviront de modèles pour les autres.
Je découpe les pièces en suivant mes marquages. Une fois cela fait, je prépare mes enfourchements.
Une fois les queues faites, je teste que l’assemblage s’emboite bien.
Et c’est parfait. J’applique de la colle.
Puis j’emboite les 4 pièces et je laisse sécher l’assemblage.
Je refais la même chose pour mon deuxième piètement.
Une fois sec, je réajuste la largeur de la base pour qu’elle corresponde aux logements déjà réalisés. À l’aide de la défonceuse et d’une fraise quart de rond, j’arrondis les bords.
Je m’attèle au ponçage :
J’applique la solution pour l’ébonisation afin de teindre les pieds de la même couleur que l’insertion en mohabi.
Comme annoncé précédemment, je colle seulement sur une vingtaine de centimètres et le jeu qui va permettre au plateau de se déformer va se faire de l’autre côté. Ici, cela m’assure une bonne rigidité.
Je mets la colle sur les trois logements sur 20cm puis j’insère sur ce côté la traverse et les deux piètements. Par la suite, il faudra retourner le tout pour faire l’autre côté. Merci à René de m’avoir aidé a retourner le tout !
J’applique de la colle sur la feuillure ainsi que sur les dominos afin de fixer l’insert du milieu. Ensuite, je place la partie centrale puis je finis d’emboiter l’ensemble.
À l’aide de la scie plongeante, j’égalise la longueur des extrémités de la table puis je ponce la zone fraichement coupée.
C’est parti, pour la finition à l’huile Rubiot :
Je conclue la fabrication de la table par un petit marquage :
Je suis très content du résultat et je suis ravie d’avoir fait cette incrustation avec du bois neutre à la base. Avec la technique d’ébonisation il a pris une teinte magnifique avec des reflets et pleins de petites nuances.
Retrouvez tout les détails en vidéo de la dernière partie de la fabrication de la table ici :
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